La DS ? A l'instar de ce cher Obélix, je suis tombé dedans quand j'étais petit ! En effet,
mes parents décident de changer, après 10 ans de bons et loyaux services, leur 403
vieillissante. Nous sommes alors en 1974 et je ne suis âgé que de cinq ans.
Leur choix
se porte sur une D Spécial d'occasion, un modèle 1972. C'est une première main, elle est
impeccable et affiche à peine 9 000 km au compteur. De couleur Blanc Meige (AC088),
l'intérieur est en skaï, pardon en Targa, noir.

Elle possède les luxueuses options
"direction assistée" et "lunette arrière dégivrante". En revanche les phares sont fixes !
Je vois déjà le sourire narquois de certains. Ben oui, c'est pourtant le cas : direction
assistée sans les phares tournants. En tout cas, le volant était en mousse. Le premier
propriétaire aurait-il fait installer la direction assistée après l'achat ?
Le mystère demeure. Toujours est-il que cette auto bercera toute mon enfance et même mon
adolescence, puisque, et malgré mes injonctions voire même mes suppliques répétées, mes
parents la vendront quand même en mai 1990, pour la remplacer par une aussi stupide
qu'inesthétique BX TRD Turbo. Je vois encore la D Spécial s'éloigner aux mains de son
nouveau propriétaire, une larme coule sur mon visage.
Même après toutes ces années, elle était encore resplendissante et n'affichait que 116 000 km. En 1985, la peinture d'origine commençait à souffrir, ainsi que la carrosserie : il est bien connu que le climat Breton n'est pas très tendre pour tout ce qui rouille ! ! ! Une belle peinture (toujours Blanc Meige) en 1986 ravivera totalement cette auto qui devenait chaque jour un peu plus remarquable dans le trafic, eût égard à son état.
Dès que j'atteignis l'âge de 16 ans, mon père (moniteur auto-école à ses heures) mit en application la conduite accompagnée avant l'heure (1985). Pendant les vacances d'été, j'avais le droit de conduire ! Quel bonheur ! ! ! Je passais aussi beaucoup de temps pendant mes vacances à briquer les inox, à la dépoussiérer de fond en combles pour la rendre rutilante.
A 18 ans, en terminale, il fallait voir l'effet que je faisais en arrivant au Lycée en DS ! ! ! Je me souviens encore de ma prof de Latin qui avait une D Super 5 Vert Argenté pourrie de chez pourrie… La DS : presque aussi bien qu'une Austin Healey pour emballer, et, en termes de confort, l'Austin en question est loin derrière ! J'ai eu le bonheur d'avoir des parents qui m'ont fait confiance, jamais usurpée, et j'ai pu bénéficier très vite de l'auto pour mes sorties… J'avais lourdement insisté, il faut dire que la deuxième voiture de la famille était une aussi hideuse que poussive 4L…
Telles sont les origines de ma passion pour ces autos.
Passion qui restera en sommeil pendant 12 longues années. Le temps de terminer mes études,
de trouver un travail, d'obtenir un véhicule de société et d'avoir aussi un peu de budget.
Ces conditions enfin réunies, la passion de la DS s'est subitement réveillée, aussi
brutalement qu'elle s'était estompée. Je fus soudain pris d'une envie incoercible :
Il me fallait une DS !
Je me mis à prospecter activement, nous sommes en mai 2002.
En Juillet de la même année,
au cours d'une discussion dans un repas de famille, je découvre que le tonton de mon amie
a une DS dans son garage. Il serait vendeur... Cela suffit à attiser mon intérêt !
Je creuse la question : il s'agit d'une DS21 Confort, modèle 67, boîte hydraulique.
L'avenir me dira que l'auto est à moitié à l'abandon, à moitié en cours de restauration
(ou de bidouillage plutôt), dans un état qui me semblera correct
(tournante, mais pas roulante). Le tonton possède l'auto depuis 1996.
Date à laquelle son avant-dernier propriétaire l'a vendue pour 5 000F,
contre un anonyme objet de consommation, dans le cadre des primes d'état Balladur/Juppé.
C'est ainsi qu'elle a échappé à la presse, hydraulique elle aussi... Mais n'anticipons pas.
Je décide donc d'aller voir l'auto qui se trouve dans son garage au fond du jardin d'une
maison en Normandie près de Deauville. Dès l'ouverture des portes du garage,
je vois l'auto et… je perds le sens commun.
Là où toute personne sensée aurait tourné les talons, je reste en arrêt devant l'auto.
Elle est vautrée, exsangue, elle cherche à me regarder de ses phares aveugles,
si délabrée et pourtant si belle ! Elle semble m'implorer.
Je me mets à tourner fiévreusement autour, à l'inspecter de plus près, osant à peine toucher l'objet de tant de désirs.
Ayant lamentablement craqué, je m'en porte évidemment acquéreur.
Je promet au tonton qu'il la verra impeccable !
Avec elle, je suis allé de mauvaises surprises en déconvenues... plus on démontait,
plus on mettait à jour des problèmes... Hydraulique était en très mauvais état
(sphères H.S., pompe HP idem, crémaillère de direction et cafetières dégoulinantes de
LHM...), faisceau électrique rafistolé au Chatterton, portières rapiécées avec de superbes
rivets pop, embrayage à bout de souffle, culasse fendue... Heureusement, le châssis était
sain, comme annoncé au départ.
Mais, quelques milliers d'Euros
plus loin (il se chuchoterait qu'un certain spécialiste DS bien connu ait fait plaquer en
or et sertir de diamants le cabochon de son réservoir), je vois le bout du tunnel ! Mécanique et hydraulique terminées, carrosserie refaite (que de la tôle, rien d'autre, et soudures à l'étain)... L'auto est peinte début 2003. Il reste la sellerie. Ouf, après plusieurs mois de recherches, j'ai enfin trouvé du tissu très proche de l'origine. Il y aura bien aussi quelques garnitures intérieures à changer. C'est bientôt l'heure de la vraie remise en route. Tout se termine quasiment un an jour pour jour après l'achat. Contrôle technique zéro défaut ! C'est à la fois une fin et un commencement, celui de mes nouvelles aventures en DS.
Et mes parents là-dedans, me direz-vous ? Et bien, si du côté de mon amie toute la famille était au courant de ce projet, mes parents n'en sauront absolument rien. Rien, jusqu'à cette belle après-midi ensoleillée de Juillet 2003 où j'arrive, au volant de MA DS, devant deux paires de petits yeux tout ronds…